Le grand saut

A l’heure à laquelle je suis en train d’écrire ses lignes, je suis dans mon bureau à Aubervilliers, et je fais une pause entre 2 cartons et 2 épisodes de Marie Kondo sur Netflix.

 

C’est amusant parce que j’avais déjà entendu parler d’elle à de nombreuses reprises, avec son livre “La Magie du Rangement” dont tout le monde parlait, mais je crois que je n’étais pas encore prête. Prête à tout remettre en cause dans ma vie, mon environnement, mes placards.

J’ai toujours eu peur de manquer. Sans doute parce que j’ai déjà objectivement manqué.

Quand j’avais 7 ans, ma mère a épousé un mec avec qui elle était depuis peu, et nous avons quitté le Nord pour emménager à Fréjus, en cours d’année.

Un week-end, elle m’a dit de préparer ma valise et de dire “Au revoir” à toutes mes affaires, car nous prenions l’avion pour Dunkerque, et que je ne reverrais plus jamais aucune de ces affaires.

Ce mariage n’aura duré que 3 semaines.

J’ai quitté l’école que je venais de découvrir et dans laquelle je commençais à me sentir bien, et nous sommes retournés dans la ville que nous venions de quitter pour vivre chez ma Grand-Mère. Et j’ai retrouvé, honteuse, les camarades à qui j’avais fait mes adieux. J’ai rêvé des années de ce début de nouvelle vie avorté. J’ai rêvé de mon carnet secret que j’avais oublié. De ces meubles, de ses jouets. Ma mère me répétait : “ L’important c’est d’être ensemble”

Ca aurait eu du sens si j’avais senti l’amour d’une mère pour sa fille, mais ce n’était pas le cas, et cela fera peut être l’objet d’un autre article.

A 29 ans, je m’apprête à déménager pour la 15éme fois de ma vie. Jusqu’à mes 15 ans j’avais déjà déménagé 8 fois à cause des frasques de ma mère. La vie Parisienne aura été une décennie de difficulté pour se loger, de cohabitation, d’expérience, et de compromis.

Pour en revenir à Marie Kondo, c’est finalement cet été que j’ai commencé à étouffer dans mes placards, et sans la consulter, j’ai juste décider de trier un tas de choses, les vêtements trop petits, ceux qui avaient encore une étiquette, ceux qui étaient juste passé d’un carton de déménagement à un autre sans voir le jour. J’ai cumulé beaucoup de choses, objet, lettres, des choses qui me rassuraient. Je me croyais en vie.

On a tendance à confondre le fait d’avoir et le fait d’être.

Toute ma vie a été l’occasion de prendre soin plus des autres que de moi-même pour qu’ils ne m’abandonnent pas, pour que je mérite leur attention et ce que je croyais être leur amitié. La vérité c’est qu’aucune relation ne fonctionne quand on a peur d’être seule.

La dépendance que les gens ont avec vous, ce n’est pas de l’amour. Garder près de soi des gens, des objets, des souvenirs parce que vous avez peur de votre solitude ce n’est bon pour personne.

J’ai eu un ami qui finalement n’en était pas un. Il était dépendant à moi. Il ne savait pas répondre à un sms important sans me consulter, il ne savait pas s’occuper de ses affaires qui finissaient par l’envahir, il ne savait pas s’acheter des fringues tout seul, je lui faisais des sélections même en ayant la grippe, il ne savait pas prévoir un lit pour accueillir sa fille sans que je ne lui trouve sur Leboncoin et que je lui réserve le Uber pour y aller, il ne savait pas récurer les chiottes dans lesquels on chiait, et je me suis crue longtemps quelqu’un d’important et de bon parce que je répondais à toutes ses sollicitations, peu importe mes problèmes, mes peines, mes douleurs.

Aujourd’hui, ce que j’ai appris en particulier ces dernières années, c’est qu’on ne garde pas des objets de peur de ne pas froisser les autres, on ne reste pas dans une ville parce qu’on a peur de perdre ses amis, on ne reste pas dans un appartement parce que l’autre vous fait du chantage affectif depuis 6 mois. On ne laisse pas l’autre définir si vous êtes un humain qui vaut le coup ou pas.

Les personnes et les choses qui comptent seront là, peu importe si vous vous pliez en quatre pour eux ou non. Si votre relation est saine, alors elle durera malgré les kms qui vous séparent. Les gens peuvent être triste, mais ils ne vous en veulent pas de vouloir être heureux.

En triant toutes mes affaires, j’ai revu le visage de gens que j’ai aimé, j’ai ravivé des souvenirs, j’ai été émue, triste, joyeuse.

Ces 2 dernières années m’ont apprise à ne pas regarder en arrière, et à revenir à l’essentiel.

En faisant ces cartons, je me sens nostalgique et curieuse de ce que l’avenir me réserve.