Se réconcilier avec l’idée de faire des choses qui ne “servent à rien”.

 

A l’ère de la quête, l’investigation même, du self-concurent, de la performance quotidienne et absolue mesurée à coup de “like” et de followers, face à la frénétique ambition du “plus encore” et “toujours occupé”, de la culpabilisation pré-et-post-procrastination, je me suis instaurée une nouvelle règle de vie, pour me préserver d’un AVC à 25 ans:

Apprendre à ne rien faire de constructif.

Comme une bouffée d’air frais en pleine canicule, comme un métro vide un 31 décembre: Une nécessité, à mes yeux, aussi importante qu’une sexualité épanouie (et j’y inclus sans crainte l’onanisme pour les célibataires), mais aussi une nouvelle éducation que m’inspire “les anciens” (désolée mon Amour) je découvre “faire pour le plaisir.”

Je m’aperçois, qu’à la question “pourquoi tu fais ça?“ je passe ma vie à chercher une réponse, mais comme à des enfants en bas âge tapant sur le plancher parce que leur parent ne veulent pas aller jouer dehors ( le dimanche matin, sale môme) , j’ai envie de répondre un simple et tendre “parce que”.

Parce que (je m’aperçois qu’ils ne peuvent pas comprendre).

Pourquoi se demande-t-on toujours à quoi servent les choses? Pourquoi cherche-t-on une justification mesurée et satisfaisante à l’effort, à la création, pour convaincre les autres et puis, pour soit?

Pourquoi “faire” ne se suffit pas?

J’ai du me défaire de mes automatismes “cérébraux” pour réapprendre à apprécier le silence, le soleil que filtrent les persiennes de chez l’amoureux les dimanches matin, les siestes après le petit-déjeuner, les ballades sous la pluie, les expositions improvisées, les quais de Seine avec des glaces au Yahourt.

Une passion qui devient un métier, et tout à coup, tout les projets se doivent d’avoir une finalité concrète et rentable?

Pourquoi?

J’ai envie de photographier des corps nus et différent, de me mettre en scène dans des performances visuelles, j’ai envie de trouver des gens aux visages incongrus à immortaliser.

“Pourquoi?”

Cette petite voix crispante, parfois la mienne, parfois la votre, qui met  la pression à des envies spontanées.

Non, pas nécessairement pour exposer, être publiée, qu’on entende parler de moi. Non.

J’ai envie de tout cela, pour me réaliser, pour rencontrer des gens, pour aimer une image car elle me rappelle une rencontre, un sourire, une lumière…

Je travaille sur un projet musical, il prends du temps, il y a des soirées qui y sont dédiées. On me dit “ tu veux devenir chanteuse?”

Non. Je ne veux rien “devenir”, je veux être satisfaite avec moi même d’avoir su finaliser quelque chose qui me tiens à coeur, des mots, des sons, comme des saveurs qui me rempliront.

Pourquoi tu poses?

Pour le plaisir. Pour donner mon image à des gens dont j’aime le travail, qu’il la façonne comme bon leur semble et pour y découvrir quelque chose que peut être je n’y aurais pas trouvé moi-même.

Pourquoi tu gribouilles?

Pour me détendre.

Et puis parfois, je n’ai envie de rien de tout cela. Parfois j’ai envie d’une terrasse au soleil, d’un verre de blanc et de regarder les gens passer.

Pourquoi avoir peur de la page blanche? N’est ce pas la culpabilisation qui est contre-productive?

Parfois j’ai envie, parfois je n’ai pas envie, parfois je flâne, parfois je dors 5h par nuit des jours et des jours pour finaliser quelque chose. C’est la culpabilisation de ne pas être toujours sur tout les fronts qui me crispe, me fatigue, m’amène à m’interroger un peu trop sur mon avenir, mon potentiel, mon utilité.

Les choses les plus inutiles sont devenue mes plus essentielles. Elles servent à ne servir à rien. Elles font naître un plaisir immédiat sans la recherche plombante d’une contrepartie frustrante. Elles caressent doucement mon coeur.

Je ne cherche plus à être une machine de guerre. J’adore ça si ce n’est pas une pression que je m’inflige face à l’attente imaginaire des gens autour de moi.

Sinon je m’allonge et je regarde le plafond.


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