Je ne suis pas jolie.

 

« Cet après midi j’ai installé des tissus chiné cette semaine et j’ai pris place dans ce décors, nue.
J’ai réalisé en regardant les photos, que j’avais mis longtemps à accepter, non pas mon corps  »gros » mais mon atypicité dans sa généralité.
Je ne suis pas une fille jolie. Je ne rentre dans aucune case  » à la mode » et je ne suis pas représentée, non seulement parce que je fais une taille au delà du 42, mais parce que tout mon physique est hors norme, j’ai la peau extrêmement pâle, j’ai les cheveux naturellement très bouclés, j’ai une morphologie avec des hanches larges (mon héritage maghrébin), j’ai les tétons quasiment transparent, la forme de mon visage est très arrondie, j’ai les yeux vert presque jaune, je ne connais personne qui me ressemble et j’ai longtemps cherché à me retrouver dans les femmes qu’on croise partout dans les médias et aucune n’a ce physique. Quand j’étais gamine j’ai regardé je ne sais combien de fois Titanic et je crois que Kate Winslet est une des rares actrices dans laquelle je pouvais me reconnaître un petit peu. C’est idiot mais je réalise quand je me vois en photo seulement à quel point je suis atypique et à quel point je ne suis pas jolie. En général c’est soit on adore soit on me trouve bizarre, voir carrément moche, je ne passe jamais inaperçue, je ne me fonds jamais dans la masse et pendant longtemps je me suis habillée tout en noir tout le temps pour qu’on me voit moins, désormais je peux dire que je suis OK avec ça.
C’était ma confession, ma réflexion… »

Suite à ce message posté avec une première photo sur mon Instagram, j’ai reçu une véritable vague d’amour à laquelle je ne m’attendais pas… Merci.

La plupart d’entre vous avait bien compris là où je voulais en venir, et je vous en remercie. Quelques personnes m’ont écrit en privé pour me dire qu’elles avaient aimé lire ce témoignage un peu « hors du commun » car on parle souvent de complexe, sur le poids, le corps dans ses proportions, mais rarement de représentation dans une forme plus globale. Quand je vois des filtres Instagram permettant d’obtenir des taches de rousseur là où pendant des décennies les roux/rousses ont été moqués, je me dis que tout ça est incensé… il suffit d’une icône avec des taches de rousseur pour que d’un coup tout le monde s’empresse à en vouloir, jusqu’à créer des techniques en institut pour en avoir de manière éphémère.  Seulement voilà, durant ces décennies, des gens ont souffert d’avoir été moqués, et ça n’efface pas leur souffrance.

Ce n’est pas mon histoire, mais je peux vous la raconter dans une certaine mesure.

J’étais une petite fille, blonde, avec les cheveux très bouclés, la peau très clair et les yeux bleu-vert, j’avais aussi les joues bien joufflues, et j’ai été formé très jeune, je crois que j’ai eu mon premier semblant de soutiens-gorge en cm2.

La plupart des enfants se représentent dans les icônes de leur temps, je suis née en 1989 donc pour moi c’était les Spice Girl, les L5… ou bien se retrouvent dans les traits familiaux. Sauf que je ne ressemble pas à grand monde dans ma famille, ma mère était blonde plus jeune, mais elle avait les cheveux très raide, la peau mate qui bronzait extrêmement bien, les yeux marrons, et elle a toujours été très fine, genre 1m70, taille 36, 90C. Quand j’étais petite je dirais qu’elle avait quelque chose de Rachel Green dans Friends. Notre relation n’a jamais été la relation d’une mère aimante à sa fille, je crois avoir été un enfant désiré mais j’ai surtout été la monnaie de chantage d’une femme pour emmerder son ex. Je ne vais pas m’étendre sur cette situation qui mériterait à elle seule que j’écrive un livre entier, mais, c’était une relation toxique, et sans amour. Donc autant vous dire que je n’ai pas été rassurée sur mes différences.

Maintenant revenons à cette idée de la représentation et de pourquoi je dis que je ne suis pas jolie.

Je reviens sur ça, car certaine ont peut être pensé que je la jouais « modestie mal placée », mais ce n’est honnêtement pas du tout mon intention.

J’ai tout à fait conscience d’être pour beaucoup  » la grosse acceptable » car je fais un 46, que j’ai un corps avec une taille marqué, des hanches et fesses rondes et des seins. C’est vrai, et d’ailleurs je n’ai jamais vraiment souffert de l’apparence de mon corps, il ne m’a jamais empêché d’être séduisante, attractive et j’ai conscience de pouvoir m’habiller « à peu près » comme je veux. Maintenant je vous invite à prendre un peu de recul et de vous demander, combien de personne dans votre entourage, corresponde à la définition de « jolie », et de « belle ». Puis, de vous demander combien de personne corresponde à une ‘beauté atypique’, voir me ressemble.

Combien de femme répondent à ma description, dans votre entourage, et nous pouvons même étendre cela aux médias, que ce soit à la télévision, des présentatrices météo aux journalistes, aux actrices? La plupart sont jolie ou belle. Rare sont celles qui sont atypique. La beauté est normée, aseptisée, et heureusement les réseaux sociaux mettent aujourd’hui en avant des beautés atypique, qui prennent la parole, se mettent en avant, mais nous sommes une minorité.

Les femmes qui ont le plus de succès sur ces plateforme restent à ce jour des beautés non-atypique. Attention, je ne renie pas leur succès, loin de moi l’idée de faire du body shaming, je suis très contente que des femmes se fassent une place médiatiquement parlant, et je consomme moi-même des tutos beautés etc. Célebrer la diversité ce n’est pas mettre à part les femmes plus « normé » ou body-shamer celles qui ont recours à la chirurgie par exemple.

Quand on prends une Ashley Graham, que je trouve personnellement sublime, on parle d’une « très belle femme », et pour l’avoir rencontré l’année dernière je peux vous dire qu’elle est hypnotisante, je trouve qu’elle est dans la lignée d’une Cindy Crawford, mais ce n’est pas parce qu’elle fait une taille 46 qu’elle est « atypique », en revanche oui cela fait du bien de voir une femme très belle qui fait une taille 46 et est en bonne santé, ça cloue effectivement le bec à beaucoup de con…

Beth Ditto est atypique, Winnie Harlow, Maeva Giani Marshall , Shaun Ross, Diandra Forrest, Jamie Brewer, Tess Holliday…

La plupart des noms que je vous cite sont d’ailleurs mannequin, ou blogueur, c’est très bien, mais j’attends de voir une actrice grosse jouer un rôle de femme et dont le sujet n’est pas sa grosseur. Une actrice noire, en France, jouer un premier rôle dont la couleur de sa peau n’est pas le sujet du film. J’attends de voir une réelle diversité dans les campagnes de mannequin, et pas pour faire semblant d’être inclusif ou body positif « parce que c’est cool », dans des rôles au cinéma, et d’ailleurs c’est pour cela que j’adore les séries sur Netflix, car ils savent créer des castings vraiment diversifié.

Je suis une grande Fan de la série Friends, MAIS elle n’est pas du tout inclusive. C’est une autre époque, oui, sans doute et pour l’époque elle abordait des sujets encore tabou (l’homosexualité, la PMA par exemple) et même si beaucoup la trouve très maladroite, voir carrément agressive pour des gens qui souffrent de ne pas s’y reconnaître voir d’y être moqué, c’est important de re-contextualiser, elle a sans doute fait du bien dans les années 90, mais maintenant?

 

Est-ce que je me trouve moche? Non.

Donc que fait-on aujourd’hui, en France, pour le grand public?

Je parle ici de la diversité dans toute sa splendeur, une diversité qui corresponds à ce que l’on voit quand on sort de chez soi. Des gens avec des corps très différent, des femmes, hommes, non-binaire, transgenre, vieux, jeune, roux, noir, asiatique, avec des particularités physique de toutes sortes, je pense aussi à des personnes non-valide, j’ai peur d’oublier des tas de personne dans ma description et j’espère que vous comprendrez que tout ce que je dis n’est pas exhaustif, mais voilà, mon métier c’est photographe, et j’ai toujours essayé d’être inclusive, même si je suis très loin d’avoir réussi ce pari, je pense que nous sommes tous capable de faire changer les choses. Il faut encourager les initiatives sincères qui créent cette diversité.

Quelques personnes m’ont dit en commentaire que peut être une jeune fille tomberait sur une de mes photos, se reconnaitrait et trouverait en moi sa représentation. Franchement, j’espère que ce sera le cas, et j’espère que d’autres jeune femmes/homme/non-binaire auront l’occasion de croiser au détour d’Instagram quelqu’un qui les représente.

Je voulais ajouter quelque chose de sans doute plus positif dans tout cet article: être atypique m’a aussi apporté beaucoup de chose à titre personnel, déjà cela a développé mon empathie avec les gens et cela m’a poussé à me poser des questions et à mener des réflexions, à avoir un sens critique beaucoup plus élaboré, mais ça m’a aussi ouverte à énormément de chose (artistique, créative, mais aussi politique), je pense même que cela a fait de moi celle que je suis, que sans doute je n’aurais pas été photographe si j’avais été davantage dans les normes car c’est en essayant d’appréhender mon image que j’ai commencé la photographie. J’ai rencontré mes meilleurs amis par ce biais, j’ai posé pour des photographes super, j’ai des souvenirs vraiment chouette. D’un point de vue sentimentale, être une personne atypique élimine d’office beaucoup de personne malveillante et mal dans leur peau, car je sais qu’il faut « assumer » d’être avec quelqu’un d’un peu originale, et il faut avoir développé soit même beaucoup de chose dans son univers pour être ne serait-ce qu’attiré par une femme qui n’est pas « la jolie » du groupe, j’ai donc la grande majorité du temps eu des hommes vraiment super dans ma vie. J’ai vraiment un entourage de personne que j’estime, et ouvert, humain, bienveillant, et super curieux. Il y aurait sans doute beaucoup de chose à dire encore, mais….

Je sais que je me suis éparpillée, j’ai essayé de vous partager ma vision globale et les raisons de ce post.

Je vous embrasse, et je vous dis, à la prochaine et je vous laisse avec la suite des photos!

Donc que fait-on aujourd’hui, en France, pour le grand public?